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L'individualisation de la formation, un principe inclusif ?

Ce blog restitue les échanges et les apports d’un atelier qui interrogeait l’individualisation de la formation, au regard de l’inclusion à partir de la question : l’individualisation est-elle « vraiment » un principe inclusif ?

Ce blog restitue les échanges et les apports d’un atelier de la conférence européenne " Quel rôle la formation des adultes joue t-elle dans l'inclusion sociale?" qui interrogeait l’individualisation de la formation, au regard de l’inclusion à partir de la question : l’individualisation est-elle « vraiment » un principe inclusif ?

L’Atelier : l’individualisation de la formation, un principe inclusif ?

Sa problématique était formulée de la manière suivante : de l’accès à la formation à la modularité des parcours, jusqu’au suivi et à l’évaluation, l’individualisation de la formation est un principe largement appliqué. Cet atelier souhaite interroger le caractère inclusif de l’individualisation à travers trois dimensions : la modalité du numérique, la responsabilité de l’individu, l’autonomie dans l’accès et le parcours.

L’atelier était animé par Hélène Paumier & François Lenne et proposait aux participants de travailler en sous-groupes sur trois objets de questionnement : le numérique, la responsabilité de chacun face à son parcours, l’autonomie et le changement. Les participants se sont appuyés sur une grille de lecture et d’un corpus de textes. Ils devaient proposer des préconisations après un moment de travail collectif. Une discussion s’est ensuite engagée avec les grands témoins[1] à partir des préconisations des groupes. Le corpus de texte est téléchargeable ICI

Dans un premier temps, nous reprendrons les points principaux évoqués par les trois groupes à propos de trois sous-thèmes différents, puis nous reprendrons les principaux éléments de synthèse retenus dans la discussion collective.

L’individualisation est-elle « vraiment » un principe inclusif ?

1.Numérique et individualisation

Pour certains, le numérique n’est pas une fin en soi mais il faciliterait l’individualisation des parcours ; en permettant à chacun de disposer de ressources de manière individualisée. Mais cette assertion n’est pas partagée par tous.

L’individualisation avec le numérique peut permettre d’adapter le parcours à la personne, de former à distance, peut-être de répondre à une population plus jeune. Mais cela peut renforcer l’état d’isolement et priver d’interactions qui crée une dynamique qu’il est nécessaire d’accompagner. 

Il faudrait alors plutôt partir du principe selon lequel l’individualisation peut bénéficier de la diversité des modalités, précisément pour que chacun puisse y trouver celles qui répondent le mieux à ses besoins et préférences: diversification des supports, des modalités, des approches qui amène à ce que le numérique est une de ces possibilités et peut permettre de contribuer à une telle diversification. Il faut souligner à ce propose que LE numérique n’existe pas en soi, mais qu’il correspond à une multiplicité de formes qu’il faudrait peut-être davantage étudier dans ses rapports avec l’inclusion… ou l’exclusion.

Le numérique porte le risque d’exclusion ou l’opportunité d’inclusion. Ce qui implique d’examiner, au cas par cas, dispositif par dispositif, par individu, en fonction de l’examen attentif des besoins, ce que le numérique et l’individualisation peuvent apporter, afin de choisir les bonnes ressources et les bons dispositifs. Le numérique n’est pas à prendre en soi, mais à prendre en fonction des potentialités propres qu’il peut porter et qui constitue alors une ressource effective pour répondre aux besoins des personnes, notamment en matière d’individualisation. Se pose, dans tous les cas, la question de l’accompagnement de l’outil à la prise en main et à l’appropriation des outils qui est la condition de personnalisation de la formation. Cet accompagnement humain, devrait être prévu dans les dispositifs, dans le financement de la fonction de l’accompagnement. Tout cela amène à souligner que l’autonomie et la capacité d’apprendre de manière autonome sont un des enjeux de l’individualisation et de la possibilité d’utilisation du numérique dans un parcours individualisé de formation.

Les plus jeunes seraient plus sensibles au besoin de construire un projet professionnel plus personnel et satisfaisant, et sur le plan du numérique, s’il y a un usage familier et intuitif du numérique, il n’y a pas d’usage et de capacités plus systématiques d’usage du numérique. Mais cela concerne toutes les générations, de même que l’immédiateté. Une culture numérique serait de connaitre et comprendre le fonctionnement du numérique, la logique algorithmique… Mais que sont les compétences de base du numérique en fonction de la rapidité d’évolution du numérique ? Il y a aussi les évolutions des compétences numériques professionnelles.

Face aux technologies, une partie du public n’est pas du tout sensibilisé et capable, même des gestes simples. Donc même chercher en ligne des formations, c’est impossible. Il y a besoin d’un contact humain intermédiaire pour pouvoir poser les choix car sinon ils ne peuvent pas choisir puisqu’ils ne savent pas entre quoi et quoi ils doivent choisir.

L’exercice du droit individuel, dans une version individualiste trop forte et en particulier numérique, risquerait d’être, en somme une impossibilité d’exercer ce droit. Cela demande un accompagnement. Pour le numérique, on passe d’un usage personnel à un usage professionnel des instruments pour s’orienter et pour se former. Le risque de l’individualisation correspond à une transformation de l’apprenant en consommateur mal éclairé de formation. Ce serait le rôle de la médiation apportée par des formateurs et accompagnateurs.

 

2.La responsabilité de chacun face à son parcours

A partir de quand un individu se sent-il responsable de son parcours ?

D’après certains, les publics fragiles se sentiraient rarement prêts à être responsables de leur parcours. En outre, être responsable, cela s’apprend. Les personnes n’ont souvent pas confiance, n’ont pas toujours appris à gérer leur parcours.  Ce constat conduit à penser qu’on ne peut pas facilement entrer dans un parcours individualisé de formation sans être prêt. Ce qui pose la question de ce qui peut intervenir en amont d’un parcours individualisé, pour préparer et aider à construire les capacités pour se former de manière individualisée. Se pose aussi la question des risques liés à la complexité, la segmentation des parcours qui entraînent lassitude, découragement.

Mais, s’il s’agit d’apprendre à réfléchir et diriger son parcours, ou plutôt, ses parcours, d’orientation et d’insertion/inclusion, mais aussi de formation, on peut constater que la réflexion collective, la co-construction sont des conditions efficientes pour apprendre et pour le faire. Le groupe semble permettre d’échanger, de comparer, d’enrichir, d’ouvrir des possibles. Si l’individualisation du parcours est importante, les séquences collectives le sont tout autant pour penser, apprendre à penser le parcours, apprendre à le conduire aussi en groupe et grâce à ce qui s’y échange. Les personnes en formation ont le plus souvent besoin de se sentir soutenues et le groupe peut jouer ce rôle. On observe aussi qu’ils se sentent et se montrent plus impliqués dans ces conditions collectives.

L’individualisation suppose enfin une réflexion sur l’espace-temps. Il faut prendre en compte le temps nécessaire pour se sentir responsable, alors que la pression sur les personnes pour que cela aille vite est une constante de nombreux dispositifs.

Un autre constat plaide pour penser les espaces et les temps collectifs dans les parcours. Les personnes se sentent souvent perdues dans les dispositifs mais aussi face à elles-mêmes. Une question intervient alors : avance-t-on aussi vite en individualisant qu’avec un accompagnement ou avec et dans un groupe ?

 

3.L’autonomie pour l’accès et l’activité dans un parcours individualisé.

Une participante note d’abord qu’il faut être attentif au fait que les gens ont peut-être des capacités, une autonomie, alors que nous (les professionnels) serions autonomes et responsables. Il ne faudrait pas penser a priori ce que sont les personnes ni les infantiliser et les considérer comme incapables…

Il faudrait poser la distinction entre autonomie et indépendance. On peut être autonome et dépendant (autodétermination, choisir, mais besoin de l’aide de quelqu’un pour atteindre ses objectifs.) Mais qu’est-ce que l’autonomie ? quelles sont les limites de l’accompagnement vis-à-vis de l’autonomie de la personne ? Celles-ci devraient non pas être définies a priori, mais se dégager dans l’interaction entre l’apprenant et l’accompagnateur. Chacun pouvant demander une plus ou moins grande autonomie et accompagnement et cela selon les moments d’un parcours, selon aussi ce qui est en jeu. Ce qui devrait être négocié entre les personnes et les accompagnateurs, mais plus encore avec les institutions afin de leur proposer un accompagnement dont ils ont besoin ou qu’ils demandent et qui procure plus ou moins d’autonomie.

L’accompagnement doit ainsi être personnalisé, aider une personne pour qu’elle gagne en autonomie. Il en va de même pour la motivation qui n’est pas nécessairement là dès le départ. Or, la construction de la motivation est aussi une condition de la prise en main plus autonome de sa formation.

Cela amène à faire une autre distinction entre individualisation de la formation et individualisation d’un parcours d’inclusion et d’insertion. Dans le second cas l’individualisation est plus difficile et l’accompagnement serait d’autant plus nécessaire. On peut constater aussi que, lorsque des personnes parviennent à faire des choix d’orientation et de formation, alors la motivation qui en résulte construit les conditions pour un apprentissage plus autonome. L’accompagnement change de statut puisqu’il consiste à apporter aide et ressources à la demande pour aider à se former.

Une discussion générale souligne l’importance pour la formation des adultes, de ne pas reproduire les conditions scolaires qui ont pu réduire le développement de l’autonomie, de la responsabilité, et notamment vis-à-vis de l’orientation. La critique de l’école est un appel à trouver des solutions en formation d’adulte pour insister sur la nécessité d’apprendre l’autonomie… En formation d’adultes, il s’agit de ne pas reproduire les mêmes approches qui créent les mêmes problèmes. C’est le défi de la formation des adultes.

Cela dit, peut-on développer autonomie et responsabilité par un parcours individuel ?

Il faut être attentif à la déontologie et aux termes utilisés notamment dans les textes européens, émancipation, prise en charge par soi-même, etc… Il est très délicat de se situer dans une terminologie ambigüe. Dans la logique de transparence de ce qui serait mis à disposition des personnes qui pourraient choisir ainsi par eux-mêmes, cela supposerait d’être formé à l’esprit critique. En amont, c’est l’éducation qui devrait préparer tout le monde à utiliser ce genre d’outils…

Il y a un discours injonctif de responsabilité qui dit qu’il faudrait être autonome et responsable. Si la personne est concernée, intéressée ou pas, si elle entre dans une situation contrainte cela modifie son engagement. 

Un constat actuel est que l'on fait de l’intégration, mais pas d’inclusion. Par exemple il y a une formation professionnelle très aidée et encadrée, ne prépare pas nécessairement au mieux à l’inclusion dans les milieux de vie ordinaires.

Est-ce que ce n’est pas une utopie que de vouloir et prétendre pouvoir accompagner chacun individuellement? 

La seule réponse est qu’on ne peut pas travailler la question de l’individualisation sans travailler l’autonomie et du numérique et leurs relations et interrelations. Une recommandation serait de travailler ces trois points et notamment pour penser l’accompagnement.

 

Conclusions

La première vertu de cet atelier a été de poser une question qui n’est pas souvent posée : l’individualisation est-elle « vraiment » un principe inclusif alors que les discours, les cahiers des charges et les politiques de formation ne cessent depuis maintenant plus de trente ans, considérer que l’individualisation est toujours un mieux pour la formation et l’inclusion. Dans le même ordre d’idées, interroger en même temps « le » numérique dans ses possibilités pour l’inclusion apparaît tout aussi essentiel.

Les participants de l’atelier ont répondu à la question, de plusieurs manières.

Tout d’abord, les participants ont validé la question, autrement dit, ils ont validé le fait que ni l’individualisation ni le numérique ne sont des réponses ou des solutions a priori à l’inclusion. Le numérique peut même en être l’un des problèmes. Ce qui apparaît d’ailleurs à ce sujet c’est que la première urgence n’est pas d’apprendre ou de se former par le numérique, mais de développer des capacités d’agir avec les outils numériques, mais aussi de le comprendre pour ne pas en être l’usager passif. Des participants ont souligné à quel point toutes les populations de toutes les classes d’âge sont concernés, y compris les plus jeunes qui ont un usage spécifique et limité de ces instruments.

Quant à l’individualisation comme moyen et au numérique comme moyen, tous les deux sont à penser au cas par cas, dispositif par dispositif, en lien avec les finalités d’éducation, de formation et d’inclusion en jeu. On doit d’ailleurs noter que l’atelier a traité de l’individualisation des parcours d’inclusion mais aussi de l’individualisation de la formation.

Ensuite, l’’individualisation, et plus encore l’individualisation avec le numérique font courir le risque de priver des apports reconnus de la participation et de la relation aux autres, et notamment au sein de groupes. Dans un atelier consacré à l’individualisation, les participants ont souligné qu’il y aurait paradoxe à trop individualiser pour les publics alors mêmes qu’ici, dans cet atelier groupes et sous- groupes, rencontres et discussions, travail ensemble au même endroit, on ne cesse de mettre en œuvre les potentialités du travail en groupe. Ils ont donc développé les bénéfices indispensables du groupe, de la participation de chacun au sein d’un groupe aussi bien pour apprendre, que pour trouver et choisir des voies d’insertion sociale et professionnelle que pour progresser dans l’inclusion.  On pourrait résumer les propos des participants à l’atelier Etre dans un groupe et devoir s’y inclure et y participer n’est-il pas la première modalité et le premier espace d’inclusion ?

Les discussions sur l’autonomie et sur la responsabilité, mais aussi à nouveau sur l’individualisation ont d’abord souligné l’ambivalence des discours politiques, et européens au premier chef. De quoi est-il question exactement ? Elles ont révélé aussi que ces notions, qui deviennent des objectifs assignés aux personnes dans les dispositifs, ne sont pas très clairement définies, que les relations entre autonomie, individualisation et responsabilité, par exemple, ou encore avec « numérique », ne sont pas directes et ont toujours à être repensées.

Une tendance cependant, une formation individualisée, utilisant les moyens d’instruments numériques suppose une ingénierie réfléchie, et, il faut le souligner, personnalisée. Autrement dit, en fonction des capacités, des besoins, des préférences d’une personne à un moment donné de son parcours, quel degré d’individualisation, quel apprentissage et quel accompagnement de l’individualisation ?

 

 

 

 

[1] Les grands témoins étaient Roselyne Le Squere, expert thématique EPALE, et responsable administratrice de l’IRDL (Institut de Recherche Dupuy de Lôme), France, Pascal Balancier, expert Edtech à l’Agence du numérique (Digital Wallonie, Belgique, Chantal Fandel, Directrice adjointe au Ministère de l’Education Nationale, de l’Enfance et de la jeunesse, service de la formation des adultes, Luxembourg.

 

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